Par Martine Rioux
Faut-il interdire les réseaux sociaux aux jeunes? Face aux inquiétudes croissantes sur les effets du numérique sur la santé mentale des adolescents, certains pays comme la France, le Danemark ou encore l’Espagne ont déjà pris des mesures en ce sens. En Belgique, le débat s’intensifie, notamment autour de l’usage du « smartphone » à l’école.
Mais selon Claire Berlage, présidente du Conseil supérieur de l’Éducation aux médias (CSEM), de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en Belgique, ce réflexe d’interdiction relève davantage de la peur que d’une stratégie éducative efficace. Lors de sa conférence présentée à l’événement Ludovia#BE 2025, elle a rappelé l’importance de prendre du recul sur les causes réelles des malaises envers les adolescents : « On parle souvent des réseaux comme de boucs émissaires, alors qu’ils ne sont que des amplificateurs de réalités préexistantes. »
Pas de lien direct entre réseaux sociaux et santé mentale
Contrairement à certaines idées reçues, aucune étude ne permettrait aujourd’hui d’établir un lien de causalité direct entre l’usage des réseaux sociaux et la détérioration de la santé mentale des jeunes.
Si des effets existent, positifs comme négatifs, ils varient selon le contexte familial, l’environnement social ou encore la personnalité de l’adolescent, a rappelé Claire Berlage. L’important, selon elle, est d’accompagner les usages plutôt que de les censurer.
L’interdiction, avertit-elle, risque surtout d’accroître le fossé entre les adultes et les jeunes et de déplacer les pratiques hors du regard éducatif. « En supprimant les réseaux de l’école, on perd une occasion précieuse d’en parler, de les analyser, de comprendre ce qu’ils représentent dans la construction identitaire et sociale des adolescents. »
Car les réseaux sociaux sont devenus des espaces centraux de socialisation. Interdire leur usage sans proposer d’alternatives revient, selon elle, à créer un sentiment d’exclusion et d’isolement, surtout chez les jeunes les moins favorisés.
Un dialogue urgent… et absent
Autre constat préoccupant : les parents se sentent de plus en plus démunis. Ils sont rarement formés ou outillés pour comprendre les pratiques numériques de leurs enfants, ce qui fragilise le dialogue intergénérationnel. Pire encore, certaines mesures d’interdiction pourraient renforcer la déresponsabilisation des plateformes, au lieu de les pousser à mieux protéger les mineurs.
Pour Claire Berlage, l’éducation aux médias est la réponse la plus cohérente et durable face aux enjeux numériques. Elle appelle à développer des stratégies éducatives concrètes, fondées sur la réalité des usages, l’écoute des jeunes et la co-construction de règles avec eux. Cela suppose aussi de former les enseignants, soutenir les familles et inclure les jeunes dans les réflexions autour des régulations numériques.
« L’éducation, c’est un processus transformateur. Elle ne fait pas disparaître les dangers, mais elle apprend à les reconnaître, à y faire face. Refuser les réseaux sociaux, ce n’est pas refuser le danger. C’est refuser de s’y préparer. »
L’École branchée remercie l’Agence du numérique éducatif (AdN) de la Wallonie et le Ministère des Relations internationales et de la francophonie du Québec, dans le cadre du 13e appel à projets Québec – Wallonie-Bruxelles, pour la biennie 2024-2026, pour avoir permis la participation à cet événement et la réalisation de ce reportage.






