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TikTok face à la jeunesse : une commission d’enquête parlementaire en France dresse un constat alarmant

Après six mois d’auditions, de consultations citoyennes et d’analyses approfondies en France, la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs a rendu un rapport accablant. Le document de plus de 300 pages pointe une série de dérives profondes liées à la plateforme chinoise, considérée comme « l’un des pires réseaux sociaux à l’assaut de notre jeunesse ».
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Table des matières

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Constitué en mars 2025 à l’initiative de la majorité présidentielle et voté à l’unanimité des groupes politiques, le groupe de travail transpartisan a mené ses travaux pendant plus de six mois. Il a entendu 178 personnes, dont des experts en santé mentale, des chercheurs, des représentants de plateformes numériques et des familles endeuillées. Une consultation citoyenne inédite, ayant recueilli plus de 30 000 réponses, a également alimenté les conclusions du rapport.

La commission, présidée par le député socialiste Arthur Delaporte, et dont la rapporteure est la députée Renaissance Laure Miller, décrit TikTok comme « un des pires réseaux sociaux à l’assaut de notre jeunesse ». Selon les parlementaires, l’application exploite l’attention des jeunes à des fins commerciales en les exposant à des contenus extrêmes, parfois dangereux, tout en échappant largement au cadre réglementaire existant.

Une plateforme conçue pour capter l’attention

Dès les premières pages, le rapport souligne la nature hautement addictive de TikTok. L’algorithme, décrit comme opaque et puissamment personnalisable, enfermerait les utilisateurs, notamment les mineurs, dans des boucles de contenus aux thématiques extrêmes : automutilation, idées suicidaires, troubles alimentaires, discours de haine ou encore contenus sexistes.

Le modèle économique de TikTok, fondé sur la captation maximale de l’attention au service de la publicité ciblée, est mis en cause. La logique algorithmique, qui favorise les contenus à forte charge émotionnelle, exposerait les jeunes utilisateurs à des vidéos susceptibles d’altérer leur bien-être mental, voire leur santé psychologique.

Des témoignages bouleversants

Parmi les moments les plus marquants des travaux de la commission figurent les auditions de familles endeuillées ou marquées par des drames. Des parents ont témoigné de tentatives de suicide directement liées, selon eux, à des vidéos visionnées sur TikTok. Certains adolescents se seraient vu proposer des tutoriels sur le suicide ou des incitations à la scarification. Des jeunes eux-mêmes, entendus à huis clos, ont décrit un sentiment d’emprisonnement algorithmique, une difficulté à décrocher, et une spirale menant parfois à une grande détresse.

Modération jugée défaillante

Si TikTok revendique des règles strictes et des systèmes de modération automatisés, la commission juge ces dispositifs largement défaillants. La plateforme s’appuierait principalement sur des déclarations d’âge sans vérification réelle, rendant illusoire l’interdiction théorique de son usage avant 13 ou 15 ans, selon les normes européennes et françaises. Ainsi, en audition, les représentants de TikTok n’auraient pas su rassurer les députés quant à l’efficacité de leurs mécanismes internes, ni démontré une réelle volonté de transparence.

Les contenus violents, haineux ou sexualisés circuleraient avec peu de filtres, particulièrement dans les fonctionnalités de diffusion en direct (« lives ») ou de messagerie. Les auditions ont mis en lumière une série de retards dans la suppression de mots-clés sensibles ou dans la gestion de signalements d’utilisateurs.

Un appel à l’action collective

Tout en reconnaissant que les réseaux sociaux ne doivent pas être réduits à leurs effets négatifs, la commission insiste sur la nécessité d’un changement de paradigme. Le rapport conclut que TikTok n’est pas une application neutre, mais un environnement numérique structuré autour d’un design intentionnellement addictif. À ce titre, il formule 43 recommandations destinées à mieux protéger les mineurs, responsabiliser les plateformes et sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés, de l’école à la famille.

Les principales recommandations formulées par la commission

Le rapport parlementaire intervient dans un contexte de renforcement du cadre européen de régulation du numérique. Depuis 2023, le Règlement sur les services numériques (DSA) impose des obligations aux grandes plateformes numérique, dont TikTok, en matière de transparence, de modération et de protection des mineurs.

Les députés appellent toutefois à aller plus loin en France et en Europe, estimant que les acteurs privés ont démontré leur incapacité à s’autoréguler. Le rapport formule ainsi 43 recommandations, dont certaines ambitieuses, voire radicales.

Synthèse des principales recommandations du rapport

1. Âge d’accès et encadrement des mineurs

  • Interdire l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 15 ans, sauf pour les messageries.
  • Mettre en place un couvre-feu numérique pour les adolescents de 15 à 18 ans, de 22 h à 8 h.
  • Étendre les politiques de déconnexion à l’école secondaire, avec le dispositif « portable en pause » ou l’interdiction totale du téléphone.

2. Régulation et responsabilité des plateformes

  • Imposer un système de vérification d’âge fiable pour les utilisateurs.
  • Réguler les algorithmes en diversifiant les contenus, en réduisant la viralité des vidéos extrêmes et en assurant une transparence sur leur fonctionnement.
  • Créer un « délit de négligence numérique » à l’encontre des parents ou tuteurs manquant gravement à leur devoir de surveillance numérique.

3. Contenus, modération et santé mentale

  • Renforcer la modération, notamment sur les contenus relatifs au suicide, à la haine, à la désinformation et à la pédocriminalité.
  • Sensibiliser les professionnels de santé, les éducateurs et les familles à la santé mentale numérique.
  • Intégrer un suivi des usages numériques dans le parcours de santé des enfants.

4. Éducation et prévention

  • Déployer une éducation au numérique dès le primaire, recentrée sur les risques psychologiques liés aux réseaux sociaux.
  • Former les équipes éducatives et soutenir les parents à travers des ressources concrètes.

5. Sanctions et gouvernance

  • Doter les régulateurs nationaux et européens de moyens juridiques renforcés pour sanctionner les plateformes fautives.
  • Assurer un suivi politique des recommandations, avec des mesures d’évaluation de leur application effective.

Une responsabilité partagée

Le rapport ne se limite pas à une mise en cause des plateformes. Il pointe également la responsabilité des familles, des établissements scolaires, des pouvoirs publics et des influenceurs. Il plaide pour une prise de conscience collective face à un outil numérique devenu omniprésent et souvent peu compris.

Si plusieurs recommandations nécessitent la mise en place de moyens législatifs ou réglementaires, d’autres peuvent être mises en œuvre sans attendre, notamment dans les milieux éducatifs et familiaux.

La commission conclut sur l’idée que protéger la jeunesse du piège algorithmique de TikTok ne signifie pas rejeter l’innovation numérique, mais construire un espace en ligne plus éthique, plus transparent et plus respectueux de la santé mentale des plus vulnérables.

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