Par Charles-Antoine Bachand, professeur en fondements d’éducation à l’Université du Québec en Outaouais, membre du CRIFPE et membre de l’équipe conceptrice de la compétence Développer l’agir écocitoyen.
Dès 2017, l’UNESCO identifiait la nécessité de compter sur l’éducation dans la réalisation de ces objectifs. L’organisation publiait alors son guide L’éducation en vue des objectifs de développement durable dans lequel elle identifiait des habiletés que les enseignant·es pourraient mobiliser dans la promotion des ODD. Déjà dans ce document, l’UNESCO était relativement exigeante. Elle estimait par exemple que si l’enseignement des ODD devait permettre aux élèves de « Connaître le développement durable, les différents ODD et les sujets et défis connexes », il ne pouvait en aucun cas s’y limiter.
L’organisation appelait en fait les acteur(rices) du monde de l’éducation à « Pratiquer une pédagogie transformatrice orientée vers l’action en associant les apprenants à des processus participatifs, systémiques, créatifs et novateurs de pensée et d’action ». Elle ajoutait que les enseignant·es devaient aussi avoir les outils et les ressources nécessaires pour « Agir en tant qu’agent de changement dans un processus d’apprentissage de l’organisation qui fait progresser l’école vers le développement durable ».
Plus récemment, dans sa révision de la recommandation sur l’éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationales et l’éducation relative aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales (signée par le Canada), l’UNESCO (2023) a réitéré sa position. Pour l’organisation, il est en effet nécessaire de reconnaitre que « la dégradation de l’environnement, le changement climatique, la perte de biodiversité et la désertification » ne peuvent qu’empêcher les générations actuelles et futures de jouir des droits et libertés qui devraient pourtant leur être garantis.
En ce sens, le texte stipule qu’il importe donc de miser sur une éducation transformatrice qui seule permet aux élèves de devenir « des agents du changement et les protagonistes de leur propre avenir ».
Or, s’il est possible de faire émerger du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) des thématiques complexes s’en rapprochant, il semble évident que ce niveau d’exigence en termes d’éducation relative à l’environnement et au développement durable est loin d’aller de soi autant dans les programmes scolaires que dans la formation initiale et continue des enseignant(e)s.
Comment contribuer au pouvoir d’action des élèves ?
Comme le rappelait récemment le sociologue Joachim Benet Rivière (2025), l’intérêt pour l’environnement dans les écoles se développe assurément. Pourtant, la plupart du temps, cet intérêt « témoigne d’une certaine ambivalence dans la mesure où les dispositifs restent enfermés dans des logiques de responsabilisation individuelle limitant leurs effets ».
La question se pose ainsi de savoir ce qu’exige, pour le monde de l’éducation, l’attente qui lui est faite de contribuer au pouvoir, non seulement de compréhension, mais aussi d’action des élèves dans le domaine environnemental. Qu’implique pour les enseignant(e)s, par exemple, le fait de contribuer, par leurs interventions éducatives, à l’agir écocitoyen ? Que doit-on maitriser comme habiletés pour ce faire ?
Développer le pouvoir d’action des élèves n’implique-t-il pas des connaissances disciplinaires, mais aussi la capacité à agir individuellement et collectivement lorsque la chose est nécessaire ? Plus encore, n’est-il pas impératif de reconnaitre les dimensions affectives liées aux questions environnementales (écoanxiété, isolement, etc.) et de contribuer à développer la confiance des élèves dans leur pouvoir d’agir ?
Le fait que le ministère de l’Éducation ait refusé d’ajouter une compétence en lien avec l’éducation relative à l’environnement et au développement durable à son Référentiel de compétences professionnelles (2020) ne contribue pas à clarifier les choses. Le Centr’ERE avait pourtant fait un important travail sur ce plan afin que soit reconnue une compétence professionnelle ambitieuse et cohérente avec l’urgence des questions environnementales.
Développer l’agir écocitoyen, une compétence pour l’enseignement
En explorant la littérature sur le sujet et en prenant appui sur leurs propres travaux dans le domaine de l’éducation relative à l’environnement et au développement durable, une équipe de professeur·es de l’UQO, l’UQAR, l’UQTR, l’UQAC et l’UQAT est arrivé à proposer une compétence professionnelle en éducation à l’environnement et au développement durable intitulée Développer l’agir écocitoyen.
Afin de faciliter son utilisation et son interprétation par les acteur(rice)s de l’éducation, il a été décidé de calquer sa forme sur celle des autres compétences du référentiel du MEQ. La compétence tient donc en une double-page. Elle présente, comme les autres, des visées et une courte description. Elle se déploie enfin en huit (8) dimensions allant de la nécessité de « développer, avec les jeunes, au moyen d’activités et d’expériences variées, la conscience des liens d’interdépendance qui unissent la nature et les sociétés humaines » à l’importance d’explorer et d’anticiper de façon critique un avenir viable en passant par le développement de la pensée critique des jeunes à l’égard des questions environnementales dans une perspective de justice climatique et de solidarité. La figure 1 présente les 8 dimensions de la compétence « Développer l’agir écocitoyen ».
Bien entendu, ce travail ne cherchait pas à complexifier la fonction enseignante, mais bien davantage de reconnaitre, en offrant un cadre cohérent et fondé sur des travaux récents, des habiletés que plusieurs collègues dans la profession mobilisent déjà, mais qui ne sont pas nécessairement reconnues ou soutenues.
Source : Compétence professionnelle en éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD).
Comment utiliser la compétence « Développer l’agir écocitoyen » ?
Dans les prochains mois, la compétence Développer l’agir écocitoyen sera accompagnée d’un guide présentant certaines pistes d’interprétation et des ressources pour chacune de ses dimensions. L’équipe conceptrice travaille par ailleurs à la mise sur pied, pour l’année 2025-2026, d’une formation en ligne gratuite pour les enseignant·es prenant la forme d’un lieu d’échange et de partage avec des témoignages d’expert·es et d’enseignant·es mobilisant certains des éléments de la compétence.
Cela dit, la compétence « Développer l’agir écocitoyen » pourra servir aux acteur(rice)s de l’éducation dans sa forme actuelle. Elle pourrait ainsi contribuer à l’animation de discussions au sein d’une équipe cycle ou matière, à faciliter l’acceptation de la pertinence de certains projets ou, simplement, à servir comme rappel de ce qu’il est possible d’espérer dans le domaine de l’enseignement des questions environnementales.
En complément, consultez notre numéro (V27N3) sur l’enseignement du développement durable, rempli d’exemples inspirants et de pratiques innovantes pour intégrer les 17 objectifs de développement durable en classe : Enseigner pour un avenir durable.