Sabrina Falardeau et Édith Vigneault, toutes deux orthophonistes, présentent des pistes d’intervention pour enseigner de manière efficace la lecture aux élèves de 1re année du primaire. Elles proposent aussi des ressources pédagogiques pour appuyer chacune des stratégies.
Apprendre à lire, c’est d’abord et avant tout apprendre à décoder (des sons et des lettres) et à comprendre (le vocabulaire, les inférences, les connaissances générales, etc). « L’un se multiplie avec l’autre, ce n’est pas une addition. Il faut absolument que le lecteur maîtrise les deux pour arriver à lire de façon efficace », soutient Édith Vigneault.
Le décodage en lecture fait référence au principe alphabétique : connaissance son-lettres, conscience phonologique (fusion et segmentation de son), lexique orthographique (accéder au sens). Ce sont ces éléments qui ont été présentés par Sabrina Falardeau et Édith Vigneault lors du Congrès 2023 de l’Institut des troubles d’apprentissage.
1- Maîtriser le code
Pour apprendre à décoder, l’enfant s’approprie le code de la langue française, soit les correspondances graphèmes-phonèmes. L’association entre la représentation graphique et les sons doit devenir automatique.
3 stratégies :
- Gradation (progression pédagogique construite à partir de statistiques de fréquence sur l’orthographe du français),
- Enseignement explicite (nommer le lien entre le son et la lettre),
- Répétition (répéter abondamment le lien image/son pour développer l’automatisme).
Ressources :
- Exposition fréquente
- Matériel de manipulation
- Le coup de cœur des deux orthophonistes : Graphone, matériel pédagogique gratuit pour l’enseignement des correspondances phonèmes graphèmes et créé par des orthophonistes du Centre de services scolaire des Chênes, à Drummondville.
2- Développer une conscience phonologique
La conscience phonologique est la capacité à identifier et à manipuler les sons et la parole. Elle est aussi liée aux habiletés en orthographe et de compréhension en lecture. La fusion et la segmentation phonémiques doivent s’automatiser pour arriver à être un lecteur efficace. Selon les études, 5 à 18 heures d’intervention seraient nécessaires pour développer sa conscience phonologique.
Astuce : En deuxième année, les élèves doivent pouvoir couper en son tous les mots à deux syllabes.
3 stratégies :
- Dosage (prévoir un maximum d’heures pour travailler la fusion et la segmentation de sons, moyenne de 7 minutes par jour pour atteindre 18 heures),
- Enseignement explicite (manipuler les sons à l’oral, mais utiliser l’écrit également),
- Utilisation de support visuel (indiquer le nombre de syllabes avec les doigts, souligner à l’écrit).
Ressources :
- Graphone
- Lecture partagée, enrichie, routines, mots du jour
- Mots à l’étude
- Courtes périodes fréquentes
3- Accéder au sens
Le décodage en lui-même est la véritable tâche qui permet d’accéder au sens des mots. Il faut bien maîtriser les deux étapes précédentes pour en arriver à cette compréhension du code.
3 stratégies :
- Bases préalables (correspondance graphèmes-phonèmes, conscience phonologique)
- Modèle et rétroaction (accompagnement nécessaire et constant de l’adulte avec l’enfant à ce stade de l’apprentissage de la lecture, nommer les sons pour l’enfant quand les bases sont fragiles)
- Accès au sens (redire la phrase, questionner l’enfant sur le sens des mots lus pour s’assurer qu’il comprend)
Ressources :
- GraphoGame : application, basée sur la recherche, qui permet de développer le décodage de sons et syllabes de façon progressive grâce à des jeux ludiques.
- Graphone
- Livres gradués
- Mots fréquents irréguliers
4- Le lexique orthographique
Le lexique orthographique est l’ensemble des mots lus rapidement et sans effort, sans passer par le décodage, donc de façon automatique. La vitesse de lecture et la fluidité sont des résultats du développement du lexique orthographique.
3 stratégies :
- Bases préalables (correspondance graphèmes-phonèmes, conscience phonologique, bon vocabulaire)
- Exposition (être exposé à un maximum de mots, le plus possible en vrai contexte de lecture)
- Rétroaction (accompagnement nécessaire et constant de l’adulte afin d’éviter la reproduction d’erreurs)
Ressources :
- Toute activité qui expose les jeunes à des mots (ex. écoute et enregistrement de livres audios),
- Lecture orale répétée (avec rétroaction constante, rester dans le sens, ne pas mettre l’accent sur la vitesse),
- Lecture autonome (attention d’avoir des lectures dont le niveau de difficulté correspond aussi aux intérêts des jeunes).
Au sujet des fameux mots étiquettes
Les mots étiquettes sont souvent pris hors contexte. Les minutes qu’on leur consacre ne sont pas utilisées pour stimuler le décodage et la compréhension du sens de mots. Par contre, ils peuvent être utilisés pour travailler des mots irréguliers. À ce moment, il est quand même préférable de les placer en contexte dans des phrases, ce qui favorise la reconnaissance et l’automatisation.