Une école sans salles de classe? Le projet est en route en Colombie-Britannique. La province, par l’intermédiaire de 50 écoles virtuelles, offre déjà 2500 cours à quelque 80 000 élèves en ligne! Il n’est pas encore possible de faire son secondaire entièrement en ligne, mais ça ne saurait tarder. En Amérique du Nord, seule la Floride serait plus avancée à ce chapitre.
Le Conseil scolaire francophone (CSF) de la Colombie-Britannique est un pionnier en la matière. En 2005, il mettait en place un projet-pilote dans lequel deux enseignants offraient virtuellement des cours dans deux matières à des jeunes de trois écoles. Pour le conseil, qui compte parfois une quinzaine d’élèves du secondaire seulement dans une école, l’objectif était d’offrir une plus grande variété de cours autrement inaccessibles.
En 2007, le gouvernement provincial a modifié la loi afin de permettre à tout étudiant de suivre le cours qu’il souhaite n’importe où, même en ligne dans un autre conseil scolaire, explique Christian Côté, directeur de l’école virtuelle du CSF. Cela a permis la création d’une cinquantaine d’écoles virtuelles subventionnées. Outre l’accès à un plus grand nombre de cours, l’école virtuelle permet d’accommoder des élèves qui voyagent à l’extérieur, des sportifs de haut niveau ou des jeunes malades. Les cours virtuels peuvent être suivis à l’école ou ailleurs.
Le CSF offre uniquement des cours aux élèves de la 8e à la 12e année (première à cinquième secondaire), mais d’autres conseils scolaires en proposent à partir de la maternelle. « Pour les plus jeunes, il s’agit surtout de parents qui font l’école à la maison et qui vont y chercher des ressources », précise M. Côté.
Au quotidien
Hélène Lalancette fait partie des pionnières de l’école virtuelle du CSF. Pendant deux ans, elle a offert des cours de sciences en ligne. Aujourd’hui, elle est spécialiste en conception de cours en ligne.
« Commencer à enseigner en ligne, c’est un choc. Plusieurs croient qu’on peut s’improviser enseignant en ligne et ce n’est pas le cas. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ça demande beaucoup plus de préparation et c’est une approche très différente », lance-t-elle d’emblée. Si bien que depuis deux ans, le CSF a dissocié la préparation des cours de l’enseignement comme tel qui relèvent de personnes différentes. L’absence de manuels numériques dans de nombreuses matières est en partie responsable de cette situation. « Ça a demandé de faire énormément de conception. C’était carrément la rédaction de chapitres de livres », note-t-elle.
La relation avec les élèves est aussi un défi supplémentaire. Au début d’un cours, tous sont invités à se présenter avec une photo dans un forum. « Il y a un effort immense mis sur la communication. Il faut faire sentir aux élèves qu’ils peuvent nous contacter via les nombreux outils qu’on utilise, soit la vidéoconférence, le courriel, etc. Nous remarquons que nos jeunes branchés, qui se textent les choses les plus intimes, ont une réserve quand il s’agit d’envoyer un courriel à un prof », note Mme Lalancette en riant.
Certains cours sont synchrones, c’est-à-dire en direct, mais plusieurs sont asynchrones, répondant ainsi au besoin de flexibilité des élèves. Ce qui signifie que les enseignants en ligne, qui travaillent à partir de la maison pour la plupart, doivent s’attendre à travailler en dehors des heures normales de bureau! Mais les enseignants ont tout de même imposé des limites. « Il y a bien des jeunes au secondaire qui commencent à faire leurs devoirs à 22 h. Il a alors été décidé que les enseignants ne répondraient pas à cette heure-là. Ils étaient inondés les premières années, c’était incroyable », se souvient-elle. Les enseignants prévoient donc des plages de disponibilité précises, mais il y en a nécessairement en dehors des heures de classe habituelle pour répondre au besoin de flexibilité des jeunes.
Les résultats?
Les jeunes apprenants virtuels obtiennent-ils d’aussi bons résultats que ceux de l’école traditionnelle? M. Côté avoue qu’au départ, il a fallu laisser le temps aux enseignants et aux élèves de s’adapter. Aujourd’hui, il assure que les taux de réussite sont équivalents ou légèrement supérieurs.
« Les élèves de l’école virtuelle développent davantage leur sens de l’organisation et leur autonomie. Ils sont également plus à l’aise avec la technologie », précise-t-il.
Au Québec
Le ministère de l’Éducation s’est intéressé à ce qui se fait en matière d’écoles virtuelles en Colombie-Britannique, mais il n’est pas dans ses plans d’en ouvrir pour l’instant. « Le Ministère examine la question des écoles virtuelles dans le contexte plus large du déploiement des technologies dans les établissements d’enseignement et des besoins relatifs à la formation à distance, mentionne Esther Chouinard, porte-parole au ministère de l’Éducation. Le Ministère poursuit ses travaux sur l’utilisation des nouvelles technologies en enseignement et en formation, en présence, à distance et hybride, en tant que moyens pour augmenter l’accès à la formation et la réussite des études. Il s’intéresse aux divers modèles d’enseignement et de formation, aux facteurs qui conditionnent la qualité de telles formations ainsi qu’aux caractéristiques des clientèles les plus susceptibles d’en bénéficier. »
Actuellement, on retrouve de la formation à distance seulement aux niveaux secondaire (pour les adultes), collégial et universitaire. Au « secteur des jeunes », les élèves se doivent de fréquenter l’école physiquement, à moins que leurs parents optent pour une scolarisation à la maison.
Dans un rapport publié en 2005, la Société de formation à distance des commissions scolaires du Québec (SOFAD) plaidait en faveur de la mise en place d’une école virtuelle. Les auteurs mentionnent que l’école virtuelle pourrait être bénéfique pour combler différents besoins : écoles éloignées, récupération, éducation à domicile, élèves temporairement à l’étranger, malades ou blessés et intégration des immigrants. Le gouvernement n’a pas donné suite à cette suggestion.
Pour la professeure de l’Université Laval Christine Hamel, chercheuse dans le projet École éloignée en réseau, les cours en ligne deviendront bientôt incontournables. « Étant donné les enjeux auxquels nous sommes confrontés au Québec, il ne faudra pas faire semblant que ça n’existe pas, notamment pour le deuxième cycle du secondaire. Il va falloir travailler fort pour offrir le maximum d’options aux élèves, peu importe leur région d’appartenance. »