Afin de mettre en œuvre sa classe inversée, l’enseignant David Chartrand (présenté précédemment dans ce dossier) a commencé par produire quelques capsules vidéo et un peu de matériel écrit, qu’il a rendu accessible à ses élèves via le Web. Il lui a fallu environ 2 ans pour bâtir sa banque vidéo, couvrant les principales notions de son cours de mathématiques.
Il conseille de ne pas trop se précipiter : il a commencé graduellement, une vidéo par ci, une autre par là. Les élèves aimaient ça, donc il a continué. Au début, il les faisait chez lui, puis il s’est mis à s’enregistrer directement en classe. À son avis, les avantages sont énormes : « 5 minutes après l’enregistrement en direct, la vidéo est en ligne sur le site du cours! De plus, on ne perd aucun temps. » Il encourage aussi à utiliser ce principe lors de la correction. « Prenez 5 minutes pour corriger un exercice en vidéo, puis vous sauvez ce temps pour les 20 prochaines années », estime-t-il. Cela dit, il insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de produire des capsules vidéo « juste pour en faire », mais bien dans le but de sauver du temps et de rendre les élèves très actifs dans leur apprentissage. « En plus, pas besoin de tout créer, on peut trouver plein de choses déjà sur YouTube, par exemple. » Il conseille également d’éviter de vouloir obtenir l’enregistrement parfait. « Comme dans la vraie vie, si on se trompe, on se corrige et on continue, c’est tout! »
Donc :
– Y aller graduellement en commençant par quelques vidéos (cela permet aussi aux élèves de s’habituer au concept);
– Tendre vers l’enregistrement en directement pendant la classe (lorsque possible et approprié) pour sauver encore plus de temps;
– Filmer la correction d’un exercice avec explications;
– Voir si une capsule intéressante n’existe pas déjà sur le sujet (sur YouTube par exemple) avant d’y investir du temps (encore mieux : faire participer les élèves afin de dénicher la ou les meilleures ressources existantes);
– On se trompe pendant le tournage de la vidéo? Pas grave, on se reprend et on continue!
Pour leur part, Bobbi Jo Carter, coordonnatrice de l’apprentissage numérique au Calhoun Community College, et Alice Yeager, enseignante en développement de l’enfant, mettent en garde ceux qui voudraient tenter l’expérience de la classe renversée. Selon leur expérience, la portion en ligne ne doit pas uniquement être constituée de vidéos. Après tout, un élève qui a de la difficulté à se concentrer en classe ne le pourra pas plus devant une vidéo de 50 minutes. Elles proposent plutôt de découper la matière en capsules de 5 à 10 minutes. Ensuite, elles insistent sur le fait que le temps de classe n’est pas uniquement consacré aux devoirs. « C’est une idée fausse largement répandue à propos de la classe inversée. Le temps passé en classe ne sert pas à faire des devoirs, mais à approfondir les concepts et à corriger ce qui est mal compris. » Enfin, ce style de pédagogie ne doit surtout pas faire la promotion de l’apprentissage passif (regarder des vidéos, lire de longs textes) ni constituer un substitut pour l’enseignant.
Donc :
– Ne pas fournir seulement des vidéos comme contenu théorique;
– Tenter de ne pas dépasser les 5 à 10 minutes par capsule pour favoriser l’attention;
– Prévoir des activités d’apprentissage actif en classe, pas uniquement des exercices et des devoirs.
Enfin, question de simplifier la gestion de classe, Caroline Hétu, enseignante de français au secondaire, a instauré deux principes : le travail en îlots de vitesse d’apprentissage (à l’introduction de nouvelle matière, les élèves choisissent l’îlot où ils se sentiront plus confortables selon leur degré de compréhension), et la technique baptisée « 3 AVANT MOI » (avant de lui poser une question, un élève doit avoir tenté de trouver la réponses auprès de 3 sources différentes, incluant l’ordinateur, les notes de cours et les autres élèves).
Suggestions de points à considérer
Du point de vue pratico-pratique et pratico-technique, voici une liste de points à considérer, largement inspirée de celle d’Éric Noël. Encore là, ce ne sont que des suggestions.
Au niveau de la technologie :
– Obtenir le soutien de la direction pour l’ouverture de la politique d’utilisation des technologies.
– Ajouter des ordinateurs dans la classe, si possible.
– Accepter que les élèves apportent leur appareil mobile en classe, idéalement.
– Prévoir les connexions wifi (sans fil) pour tous les élèves.
– Adopter une politique sur l’utilisation du wifi et des appareils mobiles (à laquelle les élèves auront contribué avant d’adhérer).
L’environnement de travail virtuel :
– Adopter une plateforme de partage de contenus (un blogue, un compte Didacti, un wiki, autre?);
– Créer une chaîne Youtube (ou Vimeo, ou DailyMotion);
– Trouver le moyen le plus simple de faire des capsules vidéo et de les diffuser;
– Produire quelques capsules vidéo de son cru (ou en trouver qui répondent au besoin);
– Monter les plans de travail – ils sont les guides ultimes des élèves dans l’atteinte des objectifs d’apprentissage.
Dans la classe :
– Placer les pupitres en îlots de 4 (par le fait même, former des équipes);
– Présenter aux élèves les outils en ligne (par exemple, la chaîne YouTube, le canal iTunes ou l’espace Didacti) et tenir compte de leurs commentaires;
– Revoir le fonctionnement coopératif avec les élèves;
– Se débarrasser de son bureau d’enseignant (si si!);
– Présenter la façon dont les élèves seront invités à garder des traces des visionnements (Éric Noël propose sa feuille « ViRéQ » : visionner – résumer – questionner; d’autres utilisent un formulaire Google, par exemple).
– Garder à l’esprit que la classe renversée, ce n’est pas seulement visionner des vidéos;
– Garder le sourire.
Le plan de travail
Dans un environnement aussi ouvert que celui de la classe inversée, les élèves sont responsables de la majorité de leur apprentissage. Ils doivent apprendre à gérer leur temps et à devenir autonome. Cependant, pour s’assurer de l’atteinte des objectifs du cours, l’outil principal est le plan de travail.
Voici des exemples de plan de travail :
– Celui de la classe inversée 130 (classe française de niveau équivalent au premier cycle secondaire en univers social)
– Un exemple de ceux d’Éric Noël, en sciences au secondaire
L’évaluation
Comment se passe l’évaluation dans un contexte de classe inversée? Tout comme cette philosophie peut être adaptée selon les besoins, rien non plus ne prescrit la façon d’évaluer. Cependant, il semble qu’elle laisse de côté les points du style « l’élève se comporte-t-il bien en classe? », « est-ce qu’il reste assis tranquillement sans parler? », etc. La vraie évaluation devient : « l’élève apprend-il? Sinon, pourquoi? Est-ce parce qu’il lui manque des connaissances préalables? Parce qu’il traverse des événements difficiles dans sa vie personnelle? Ou parce qu’il considère l’école comme un mal nécessaire plutôt qu’un endroit pour se développer? » Selon les enseignants de chimie au secondaire Jonathan Bergmann et Aaron Sams, identifier cette cause permet naturellement d’intervenir de façon appropriée.
Du côté de l’IClasse 130 en France, l’enseignant pratique « l’évaluation choisie », c’est à dire que « plutôt que de répondre à une série de questions à la fin du chapitre, les élèves pourront répondre aux questions d’une liste donnée dès le début du chapitre au moment où ils le veulent. Dans tous les cas de figure, une évaluation finale permettra de répondre aux questions restantes. »
Pour sa part, David Chartrand, enseignant en mathématiques, donnait quelques suggestions à cet effet lors de son atelier tenu lors du dernier colloque de l’AQUOPS : donner la tâche aux équipes de créer des problèmes qui serviront à évaluer les autres équipes, bâtir des questionnaires en ligne auxquels les élèves peuvent répondre directement, etc.
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Intro : Faire ses premiers pas vers la classe inversée
1. Les caractéristiques et avantages de la « classe inversée » et du « modèle mixte » (blended learning)
2. Les outils qui rendent possible la classe inversée
3. Inverser sa classe : par où commencer (et autres trucs du métier!)
4. Des ressources sur la classe inversée