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Les ados vs leurs compétences et leurs pratiques de recherche d’information en ligne et de production numérique

Cet article de notre collaboratrice Ève Gladu de l’Université du Québec à Montréal présente quelques résultats saillants d’une enquête menée au Québec en 2021 sur les compétences et les pratiques des adolescents en lien avec la recherche d’information en ligne et la production de contenu numérique. Quelques implications pour l’école y sont proposées. 

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Par Ève Gladu
Doctorante en éducation
Université du Québec à Montréal (UQAM)

En 2023, 59 % des adolescents du Québec âgés de 13 à 17 ans naviguaient sur Internet plus de 10 heures par semaine en moyenne (Académie de la transformation numérique, 2024). Il est fort probable que la recherche d’information en ligne (RI) et la production de contenu numérique (PN) fassent partie de leurs pratiques, tant à l’école que dans leur vie privée. Ces activités impliquent la lecture et la production de textes multimodaux, c’est-à-dire toute forme de production papier ou numérique combinant au moins deux modes sémiotiques (écrit, image, son, vidéo, parole, geste, etc.). 

Pour mener à bien leur recherche d’information ou leur production de contenu numérique, il est nécessaire que les jeunes développent des compétences en littératie médiatique multimodale, définie par Lacelle et al. (2017) comme « la capacité d’une personne à mobiliser adéquatement […] les ressources et les compétences sémiotiques modales (ex. : mode linguistique seul) et multimodales (ex. : combinaison des modes linguistique, visuel et sonore) les plus appropriées à la situation et au support de communication (traditionnel et (ou) numérique), à l’occasion de la réception (décodage, compréhension, interprétation et évaluation) et (ou) de la production (élaboration, création, diffusion) de tout type de message » (p.8). 

Pour assurer un enseignement de la lecture et de l’écriture numérique répondant aux besoins d’apprentissage des adolescents québécois, il semble nécessaire d’en apprendre plus sur leurs réelles compétences en la matière. En ce sens, cet article présente quelques résultats saillants d’une enquête menée au Québec en 2021 sur les compétences et les pratiques des adolescents en lien avec la RI et PN. En conclusion, quelques implications pour l’école sont proposées. 

La collecte de données et le questionnaire d’autoévaluation

Les résultats présentés sont issus du volet québécois de la recherche Littératie médiatique des adolescents (LM-ados), une recherche internationale menée par le Québec, la Belgique, la Suisse et la France (2018-2024) (Fastrez et al., 2022). Au Québec, la 1re phase de collecte de données a eu lieu durant l’année scolaire 2020-2021 auprès d’élèves de 3e secondaire scolarisés dans des écoles publiques (25 % des participants1) et privées (75 % des participants). Un total de 1 912 questionnaires ont été analysés. 

Les élèves ont rempli un questionnaire d’autoévaluation de leurs compétences et de leurs pratiques en lien avec la littératie médiatique multimodale en contexte scolaire et non scolaire (Fastrez et al., 2022). Les compétences et les pratiques sondées sont rattachées à deux types d’activité : la RI et la PN. Chacune des questions est associée à une échelle de Likert, soit une échelle de mesure permettant aux répondants d’exprimer leurs degrés d’accord ou de désaccord par rapport à une affirmation. Nous présentons ci-dessous quelques-uns des résultats (distribution des fréquences) les plus marquants de cette enquête. 

Compétences et pratiques déclarées de recherche d’information en ligne

Plus de 95 % des participants se déclarent compétents pour mener des recherches d’informations simples et complexes dans leurs activités tant personnelles que scolaires. 

En morcelant l’activité de RI en différentes étapes – par exemple, identifier l’auteur ou déterminer la fiabilité d’un document – le nombre de participants qui affirment se sentir tout à fait capables de réaliser ces tâches diminue et, conséquemment, le pourcentage de répondant se déclarant pas ou peu capables augmente.

En ce qui a trait aux pratiques de RI, un plus grand nombre de participants mènent plus fréquemment des recherches simples que des recherches complexes dans des contextes tant personnels que scolaires. Dans l’ensemble, la RI demeure une pratique médiatique assez fréquente chez les adolescents. 

La fréquence des pratiques déclarées pour les différentes étapes d’une RI est quant à elle plus variable. Par exemple, en consultant un document lors d’une RI, seuls 37,6 % d’entre eux disent souvent ou toujours regarder qui a créé le document et 34,7 % affirment souvent ou toujours observer les sources utilisées par l’auteur. Toutefois, 69,4 % des participants déclarent souvent ou toujours vérifier les informations en les comparant à celles d’autres sites considérés fiables.

Le type de ressources consultées varie selon le contexte dans lequel se déroule la tâche (personnel ou scolaire). Les graphiques ci-dessous montrent bien que le mode dominant en milieu scolaire est encore le texte (96 % disent le consulter souvent ou toujours), alors que la vidéo est davantage consultée lors des RI personnelles (81,8 % affirment la consulter souvent ou toujours). L’image et la vidéo occupent tout de même une place importante comme source d’information pour les travaux scolaires : elles seraient consultées souvent ou toujours par plus de 60 % des participants.

Compétences et pratiques déclarées de production numérique

Le niveau de compétence générale déclarée en production numérique est beaucoup plus diversifié que pour la RI : environ 40 % des élèves se disent pas du tout ou pas vraiment capables; 35 %, plutôt ou tout à fait capables et un peu plus de 20 % ne savent pas s’ils en sont capables. 

Du côté des compétences spécifiques déclarées en PN, le nombre de participants se croyant compétents est plus élevé que pour la compétence générale. Il s’agit d’un résultat inverse à celui des compétences de RI pour lesquelles les participants se déclaraient plus compétents pour la compétence générale que pour les compétences spécifiques. Nous pouvons penser que les différentes étapes d’une activité de PN sont mieux connues et maitrisées des élèves puisqu’elles correspondent souvent à des pratiques scolaires enseignées dans différentes disciplines : prise en compte du destinataire, citation des sources, ajout d’une image pour compléter un texte, etc.

Bien qu’ils se disent plutôt compétents en PN, les jeunes ont des pratiques plus ou moins fréquentes de production. Par exemple, plus de 75 % d’entre eux n’ont jamais créé de site web informatif tant pour eux-mêmes qu’à l’école et plus de 25 % n’ont jamais ou rarement, dans leur production numérique, mixé les formats; pris en compte le destinataire ou cité les sources des images, vidéos, extraits sonores et textes intégrés dans leur création. 

Enfin, les deux graphiques ci-dessous illustrent bien que les participants déclarent produire des documents numériques multimodaux plus souvent à l’école que dans leurs activités personnelles, alors que c’est traditionnellement l’inverse. 

Implications pour l’enseignement

Les résultats présentés dans cet article montrent qu’un pourcentage élevé de jeunes participants se disent compétent pour réaliser des activités de RI et de PN, et ce, même s’ils déclarent avoir des pratiques de RI et de PN plutôt variables en termes de fréquence. 

Il importe néanmoins de rappeler que ces résultats sont issus d’une autoévaluation menée par les élèves. Certains chercheurs (ex. : Hargittai, 2005; Litt, 2013) mettent en doute la validité des autoévaluations étant donné la tendance des participants à se surévaluer. Or, il s’agit d’un outil qui fournit des indications générales sur la perception des participants de leurs compétences et sur leur confiance à mener certaines activités mobilisant ces compétences (Guichon, 2012). Il peut donc être intéressant d’utiliser ce sentiment de compétence des élèves comme levier pour proposer des activités ou des projets incluant la RI et la PN dans différentes disciplines scolaires dans le but de contribuer au développement de leurs compétences. 

Par ailleurs, la fréquence de leurs pratiques de RI et de PN est variable et elle n’est pas toujours arrimée avec le niveau de compétence déclaré. Évidemment, cette comparaison demeure très partielle, puisque, pour affirmer que la fréquence des pratiques a une incidence sur la compétence des élèves, il faudrait mener des analyses statistiques plus poussées. Néanmoins, la recherche en lien avec les inégalités numériques (Collin, 2013) nous rappelle que l’utilisation d’un appareil numérique ne garantit pas le développement des compétences en littératie médiatique multimodale ni le transfert d’une compétence d’une sphère d’activité à une autre, par exemple d’une activité d’écriture numérique personnelle à une production numérique scolaire. 

En ce sens, il semble important de former les jeunes aux différentes étapes de la RI et de la PN multimodale dans le contexte scolaire. Il peut s’agir, par exemple, de : 

  • leur enseigner comment vérifier la fiabilité des contenus trouvés en ligne et s’ils répondent au besoin d’information; 
  • comment réutiliser adéquatement les informations collectées, qu’elles soient textuelles, visuelles, audiovisuelles ou sonores, dans leur production; 
  • comment produire un texte multimodal adapté aux exigences et aux normes scolaires et à la matière dans lequel le projet est réalisé.

Il importe aussi de former les élèves à consulter et à produire à partir de différents modes (texte, image, vidéo, musique, geste) dans le contexte scolaire. Ces ressources sont à portée de toutes et tous et composent la plupart des messages consultés aujourd’hui. 

Savoir les lire et les utiliser dans différents types de production rendra les jeunes plus compétents sur les plans littéracique, médiatique et numérique. 

  1. Plusieurs centres de services scolaires ont refusé de participer à la recherche à cause de la pandémie et de la pénurie de personnes enseignantes, ce qui explique le pourcentage plus faible d’écoles secondaires publiques dans notre échantillon. ↩︎

Références : 

Vous vous intéressez à la lecture et à l’écriture en contexte numérique? Consultez le numéro d’hiver 2024-2025 de la revue École branchée : Le numérique pour soutenir la motivation à lire, écrire et compter.

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