Johanne Rocheleau, professeure en technologie éducative à l’Université du Québec à Chicoutimi, considère que pour appliquer la réforme sans avoir à retourner aux livres constamment, il faut pouvoir distinguer les postulats de base sur lesquels reposent les différentes théories de l’apprentissage. Avec les technologies éducatives, c’est un peu la même chose puisqu’il faut savoir les utiliser de façon à respecter les principes sous-jacents au programme. Débutons donc par un bref rappel.
Au milieu du 20e siècle, c’était l’âge d’or du courant béhavioriste en psychopédagogie. Il stipulait qu’en offrant les bons stimuli et en renforçant systématiquement les comportements attendus de l’élève, l’enseignant pouvait le « façonner », d’une certaine façon, en lui apprenant tout ce qu’un citoyen digne de ce nom devait savoir. Dans cette optique pas totalement révolue, la technologie éducative a vécu ses premières heures avec l’apparition des tutoriels et exerciseurs, qui font répéter une tâche à l’apprenant et lui offrent une rétroaction positive ou négative sur-le-champ.
Plus tard, le courant cognitiviste est venu apporter une dimension supplémentaire à la psychopédagogie, en supposant que la façon dont l’élève se représente son environnement joue pour beaucoup dans ses apprentissages. Les connexions complexes qui régissent le cerveau humain ainsi que les notions de mémoire à court et à long terme ont permis de créer des outils d’apprentissage légèrement différents. Ces outils permettent notamment à l’apprenant de varier son parcours selon ses réponses pour suivre le cheminement qui convient le mieux à sa structure mentale et favoriser le transfert des connaissances vers la mémoire à long terme.
Jusqu’à ce temps, c’est l’enseignant ou l’outil technologique qui « sait ».
Depuis les années 1990, le courant constructiviste va plus loin. Il vise à développer chez les élèves les capacités d’analyser et de traiter l’information présente dans leur environnement de façon à construire eux-mêmes leurs connaissances. Cette idée « d’apprendre à apprendre » permet aux élèves de s’approprier leurs apprentissages. Ces habiletés leur seront utiles dans une multitude de situations tout au long de leur vie. On leur apprend finalement à pêcher plutôt que de leur offrir du poisson!
Le rôle de l’enseignant change selon les courants psychologiques. Comme le résume dans son mémoire Catherine Bullat-Koelliker, étudiante à l’université de Genève, « de transmetteur d’informations [l’enseignant] devient facilitateur (dans l’approche cognitiviste) et guide ou provocateur (dans l’approche constructiviste). En abandonnant l’idée qu’il doit contrôler entièrement ce que les élèves apprennent et comment ils l’apprennent, en leur permettant de trouver leurs propres stratégies d’apprentissage, il les aide à prendre conscience de la pertinence de leurs choix. » Son rôle est maintenant de faire cheminer chaque élève selon ses caractéristiques propres (style d’apprentissage, contexte social, goûts particuliers, etc.) afin de le rendre autonome et apte à collaborer.
Et la technologie là-dedans? On voit apparaître de plus en plus de nouvelles applications dont le rôle est de créer, d’organiser, de structurer, de collaborer. Pensons aux logiciels de cartes mentales, aux sites Web de diffusion de capsules vidéo, aux blogues, aux wikis, aux organiseurs de signets, aux réseaux sociaux, etc. Ce sont tous des outils dont les contenus proviennent de la communauté. Ils offrent une plateforme, les gens s’en servent pour créer. Et l’école d’aujourd’hui n’a pas le choix de s’y adapter elle aussi.