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Transformer et apprendre à s’adapter tel un équilibriste

Le message du directeur de l’éducation de l’OCDE me semble être des plus pertinent. Cependant, le numérique est partout autour de nous. Nos jeunes et nous tous formant la communauté éducative avons besoin désormais d’en comprendre la science qui le développe et l’accompagne dans ses progrès comme dans ses défis.

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*** Réaction à l’article Le directeur de l’éducation de l’OCDE estime que c’est une perte de temps d’apprendre aux enfants à coder. Car demain ce sera une compétence obsolète.

Le message du directeur de l’éducation de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), Andreas Schleicher, me semble être des plus pertinents. Cependant, le numérique est partout autour de nous. Nos jeunes et nous tous formant la communauté éducative avons besoin désormais d’en comprendre la science qui le développe et l’accompagne dans ses progrès comme dans ses défis.

Par Rino Levesque, Idée éducation entrepreneuriale

Par ailleurs, repenser un modèle d’éducation mieux adapté à notre temps ne doit plus être renvoyé aux calendes grecques. Les systèmes éducatifs, le nôtre inclus, ont besoin d’apprendre à s’adapter aux nouvelles conditions sociétales et aux défis de notre siècle. L’expression « être de son temps » prend par là même tout son sens. L’École se trouve avantagée en faisant usage de pédagogies variées dans la perspective d’atteindre un point d’équilibre. Œuvrant à servir les intérêts premiers des jeunes [réussir à l’école, dans la vie et leur vie], l’École est appelée à exercer une mission en partie renouvelée liée « à la réalité » en mouvance de nos milieux de vie. À contrario, se résigner à maintenir immuable l’environnement d’apprentissage, c’est la condamner à terme à sa désuétude en imposant aux élèves d’aujourd’hui sa mission d’hier.

Les Écoles, mais aussi les commissions scolaires, ont l’opportunité de faire preuve d’audace en traçant des chemins nouveaux, qu’ils soient d’ordre pédagogique, éducatif ou organisationnel (= modèle « bottom-up »). De nos jours, elles peuvent s’autoriser à innover, à agir en hors-piste. S’aventurer tel un équilibriste est concevable [et même souhaitable dans certaines situations], sans oublier pour autant que l’esprit de tout changement impose de retrouver le bon équilibre…, sans trop attendre. En éducation, s’exécuter en prenant les devants demande de l’adresse et de la souplesse. Beaucoup de directions le savent, certaines l’ont appris à la dure. Il en est de même pour tous les enseignants et les enseignantes innovants dont plusieurs sont portés par un engagement profond. Choisir de sortir de temps à autre des sentiers battus repose sur des convictions éducatives souvent associées au dépassement de soi et à l’idée de « faire mieux et plus ». Par exemple, agir différemment au moyen d’une pédagogique avant-gardiste permet de faire apprendre davantage [ou autres choses jugées essentielles].

Si plusieurs expériences montrent que tout périple comporte son lot de risques, nous gagnons tout de même dans nombre de circonstances à les réaliser sans chercher à courir. En effet, « le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui » [1]. Ainsi, apprendre à « avancer habilement et à bons pas » s’est avéré maintes fois indispensable au succès d’une transformation menant à une progression avantageuse [et profitable] pour les jeunes, les éducateurs et l’École. La manière de « faire l’école », à la présente époque, nécessite que soient favorisés à la fois des apprentissages scolaires et plus globaux (ex. : apprentissages en profondeur, compétences globales [2]). Il y a là, me semble-t-il, une dynamique d’apprentissage évolutive puisque plus en adéquation aux besoins des jeunes et des communautés qui les accueillent. Notre époque n’est plus celle d’hier. En effet, le monde que nous cohabitons depuis un peu plus de 70 ans est non viable. Ainsi, l’École a le devoir d’être « sans attendre » l’un des importants moteurs en vue d’un modèle économique orienté vers un nouvel équilibre prenant en compte la disponibilité des ressources et l’idée d’un partage plus équitable pour tous. Le développement d’une culture entrepreneuriale consciente contribuant, en particulier, à l’émergence d’une économie circulaire [3] et à l’humanisation de nos sociétés peut débuter dès le plus bas âge du primaire.

Apprentissages nouveaux

Enseigner pour faire apprendre aux jeunes de tous les âges à « se débrouiller », à « s’entreprendre » et « à innover » CONSCIEMMENT, autant pour leur avantage que pour celui de leur communauté, paraît plus que jamais fondamental. Ces éléments d’apprentissage du profil de sortie des jeunes en éducation entrepreneuriale consciente, responsable et communautaire, un modèle éducatif en développement depuis plus de 27 ans [4], rejoignent parfaitement la réflexion de Michael Fullan évoquée précédemment (réf. 2). L’apprentissage du code, d’une littératie numérique suffisante, tout comme celui des éléments de base en littératie (langue française), numératie (mathématiques), sciences, histoire et dans plusieurs autres domaines correspondant aux cursus scolaires en place, ne doit en aucun cas se voir exclu des programmes d’études. Bien au contraire, il demeure absolument prioritaire d’apprendre à lire, à écrire, à calculer de même qu’à acquérir des connaissances qui forgent une bonne culture générale. Et il est possible de le faire à partir d’approches intégratrices ou plus magistrales faisant usage du numérique. Or, comme le mentionne Andreas Schleicher, l’un des défis de nos systèmes d’éducation est moins celui de savoir ajouter de nouveaux apprentissages que notre difficulté à se résoudre à retirer ce qui n’a plus [la même] l’utilité de [que] jadis.

Apprendre à coder est un exemple parmi d’autres constituant pour l’heure un champ d’apprentissage nouveau. Le plus important n’est pas simplement de « connaître les principes techniques du code », ni non plus de se contenter de « savoir comment coder », mais plutôt « d’apprendre à imaginer ce que je peux faire avec ce que je sais du code ». C’est là l’idée centrale derrière une culture numérique entrepreneuriale accompagnée, cela est fondamental, d’une éducation à l’éthique et à la conscience pour toutes et tous. L’importance d’être capable d’un jugement critique permettant de dépasser un regard qui ne serait que superficiel, ne doit plus être d’un second ordre. Le numérique est porteur des germes pouvant considérablement améliorer nos qualités de vie, alors qu’inversement, sa puissance transformatrice pourrait malencontreusement nous conduire dans une direction totalement opposée.

Viser l’équilibre par l’alternance d’approches pédagogiques

Le défi véritable n’est-il pas de parvenir à un meilleur équilibre au regard de tels apprentissages? Si l’envergure de la tâche pour trouver un commun accord peut paraître énorme, en « ignorer » l’urgence n’est plus une solution acceptable. Se refuser à voir que nos sociétés sont caractérisées par des phénomènes de mouvements perpétuels (dimension changeante) et de mutations constantes (dimension transformante) reviendrait à volontairement mésestimer une réalité qui, pourtant, requiert impérativement de nouveaux apprentissages. Périodiquement, tout système imaginé par l’humain a besoin d’une mise à jour. L’éducation, malgré une forme scolaire montrant une apparence de rigidité depuis plus de 160 ans, ne peut plus y échapper. Et cela exige, beaucoup d’entre nous en sont convaincus, un usage plus régulier d’approches pédagogiques intégrées (… mais pas seulement celles-là).

Il y a lieu de rétablir l’équilibre pédagogique, ou sinon de le maintenir là où il est atteint, en vue d’une meilleure alternance d’approches permettant des apprentissages scolaires et d’autres plus larges. Des approches pointant vers ou, mieux encore, montrant des conclusions prometteuses devraient être priorisées. L’École d’aujourd’hui gagne à emprunter des voies éducatives qui auront, parmi plusieurs avantages, celui de procurer plus de « BONHEUR » à venir apprendre à l’école. Un état psychologique qui motive, raccroche et engage autant les jeunes envers leurs apprentissages que les éducateurs envers des modes éducatifs regénérant en continu de l’ « enthousiasme » et  de  l’« émerveillement » chez leurs élèves [5]. Aussi, il y a l’idée d’une vision portée par un modèle d’apprentissage dont l’une des résultantes est de mener à une culture citoyenne qui « participe et sache agir » pour faire surgir des environnements humains réellement viables. Nous sommes au cœur de bouleversements qui réclament un « savoir-agir nouveau ».

Conclusion

Consentir à un équilibre pédagogique permet de transformer en s’évitant de chuter éventuellement de trop haut. Autrement dit, il nous faut accepter d’avancer en prenant soin de le faire avec agilité, parce qu’attendre nous place tôt ou tard devant le concept « de la réalité ». Celle-ci a tendance à toujours nous rattraper, rendant dès lors pratiquement inévitable une chute pouvant s’avérer brutale parce que nettement défavorable pour les jeunes et leur communauté. Nombre de situations en éducation obligent à s’adapter tel un équilibriste; l’École en est parfaitement capable. Déjà, plusieurs écoles ont su le démontrer [6]. Ces approches porteuses d’un meilleur équilibre sont indispensables pour réussir à faire apprendre plus en profondeur, plus globalement et davantage en cohérence avec les besoins et réalités d’un « demain annoncé » qui, dans les faits, semble être « un aujourd’hui » déjà à nos portes.

Bibliographie

[1] Citation de Paul Morand (1888-1976)

[2] Fullan, M. (septembre 2018). L’Apprentissage en profondeur.  Presses de l’Université du Québec (PUQ), dans la collection « Leadership administration en éducation ». 240 p.

[3] Grandmont, C. (6 mars 2019). La bonne façon de tourner en rond, La revue L’actualité.

[4] L’École communautaire entrepreneuriale consciente (ECEC) qui œuvre au développement de ce profil de sortie est présentée dans plusieurs mémoires, chapitres de livre et articles divers à la page Web suivante. L’ECEC est en développement sur trois continents dans six pays dans plus de 152 écoles primaires, secondaires incluant des centres de formations professionnelle, d’éducation des adultes et des écoles d’enseignement spécialisés et deux universités.

[5] Lévesque, R. (2016). Section 5. Bonheur à l’école et facteur E3, p. 58-59, dans Une culture de l’entrepreneuriat conscient pour tous? Revue Organisations & Territoires25(2), 5-62.

[6] Des exemples pour l’école québécoise : étude de cas d’écoles innovantes au Québec, au Canada et dans le monde (septembre 2017). Institut du Québec, 38 p. Voir aussi l’École du Millénaire au Saguenay, et le Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska du village de Clair au Nouveau-Brunswick et son colloque annuel liant l’entrepreneuriat, le numérique et la participation communautaire.

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