Située à Terrebonne, l’école primaire des Pionniers porte bien son nom. Inaugurée en 2017, elle est la première du genre à s’associer à une université dans le but de créer un modèle de travail collaboratif entre ces deux univers.
La Commission scolaire des Affluents (CSDA) a conclu une entente avec le Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) pour mettre de l’avant une école universitaire au primaire, mettant ainsi en relation des savoirs d’expérience et des savoirs scientifiques afin de favoriser la consolidation et l’adoption de pratiques pédagogiques et didactiques gagnantes. En d’autres termes, l’école des Pionniers permet un dialogue entre la théorie et la pratique, et ce, dans l’optique d’assurer la réussite du plus grand nombre.
Pas un laboratoire
Pour ce faire, huit chantiers sont actuellement en branle à travers tous les niveaux d’enseignement. Onze chercheurs, une trentaine d’enseignants et quelques 470 élèves sont impliqués quotidiennement dans des projets de recherche et de développement professionnel. « L’école des Pionniers ne s’appelle pas comme cela pour rien. Il y a beaucoup de nouveautés ici, mais toujours en restant prudent pour ne pas que ça devienne un laboratoire », précise Isabelle Jean, directrice de l’école. Malgré le grand nombre d’études menées dans son établissement, madame Jean ajoute qu’aucune recherche effectuée ici n’en est à ses premiers milles : « On ne peut pas se permettre plusieurs “essais-erreurs”; une année scolaire, ça passe tellement vite qu’on ne peut pas sacrifier des heures d’enseignement pour faire des expériences. Avant que des données soient qualifiées de probantes, il a fallu faire plusieurs études de longue haleine. Par exemple, notre projet de routines de lecture, il y a déjà plusieurs écrits sur le sujet, alors le chercheur universitaire peut venir valider sur le terrain les hypothèses sans nuire à l’apprentissage des élèves, lui qui connaît déjà l’ensemble des facteurs à prendre en considération. »
Les huit projets en bref
1- La lesson study
Quatre fois pendant l’année, le chercheur et les enseignants en question se rencontrent pour planifier ensemble des leçons de mathématique. La lesson study est donc une démarche consistant à préparer une situation d’apprentissage à l’aide de la littérature scientifique et d’experts dans le but d’améliorer l’apprentissage des élèves et de développer les compétences professionnelles des enseignants.
2- Le comité stagiaire
L’UQTR envoie plusieurs stagiaires tous les ans à l’école des Pionniers dans des contextes d’observation et de prise en charge partielle ou complète. Un comité formé de chercheurs et d’enseignants a vu le jour pour faciliter les échanges entre maître-associé et stagiaire. La création d’un catalogue avec les fiches des enseignants, d’un code d’éthique des comportements attendus et d’un canevas pour aider les discussions a été mise de l’avant pour favoriser l’intégration bienveillante et intentionnelle des futurs enseignants.
3- Les mathématiques au préscolaire
En maternelle, l’étude du concept du nombre est au programme tous les jours. L’enseignante amène ses élèves à réfléchir sur les différentes représentations du nombre, par exemple en comparant des quantités ou des rapports de grandeurs. Le chercheur impliqué dans le projet mène quelques rencontres avec l’enseignante et peut, à l’occasion, observer le groupe en action. Pour ne pas déranger la gestion de groupe à tout moment, les observations peuvent être effectuées dans des cubicules munis d’un miroir sans tain (une vitre qui permet de voir à travers dans un sens, mais pas dans l’autre), présents entre certains locaux de classe. De l’équipement de captation audio et vidéo est également mis à disposition dans certains contextes de pratiques pédagogiques efficaces.
4- La communication avec les familles issues de l’immigration
Un autre besoin qui venait du milieu était celui d’améliorer la communication avec les familles immigrantes. L’arrivée dans une nouvelle école, de surcroît universitaire, venait parfois insécuriser les parents et des conflits de valeurs pouvaient en ressurgir. Ce projet de recherche implique donc des parents, des enseignants, mais aussi plusieurs membres de soutien comme des techniciens en éducation spécialisée et des éducateurs en service de garde.
5- Les routines de lecture
Au premier cycle, les élèves vivent un projet de recherche en lien avec l’apprentissage de la lecture. Deux routines de lecture sont alors proposées : une avec de la musique et l’autre avec les arts plastiques. C’est une étude comparative entre deux modèles d’apprentissage qui est mise de l’avant par le chercheur et les enseignants concernés. L’objectif est de mesurer l’impact de ces formes d’art sur le processus pédagogique vécu par les apprenants.
6- Les pratiques évaluatives
Un projet de recherche qui touche l’ensemble des niveaux est la création de grilles évaluatives pour uniformiser et harmoniser les pratiques. Avec l’aide d’un chercheur, les enseignants sont à revoir les façons d’évaluer et se questionnent sur comment rendre l’évaluation réellement au service des apprentissages. « Ils veulent éviter les “rush” d’examens en fin d’étape et se servir d’indicateurs fiables et précis pour s’ajuster au fur et à mesure et ainsi avancer tous dans la même direction », soulève Isabelle Jean, qui est préoccupée, autant que son équipe, par les nombreux enjeux entourant l’évaluation.
7- Le cadre de référence éthique
Ce projet implique deux chercheurs et tous les membres du personnel de l’école. C’est la troisième année que l’école des Pionniers vit le cadre de référence, ayant pour objectif premier de mener des réflexions sur plusieurs aspects éthiques de la recherche universitaire en milieu scolaire. Par exemple, des feuillets sur l’aspect confidentialité ont été créés pour permettre à tous les gens qui gravitent autour de projets de recherche de bien saisir les tenants et aboutissants. Le cadre de référence éthique facilite également les relations interpersonnelles entre les différents acteurs du milieu. À cet effet, un tableau résume les principaux traits de personnalité de chacun pour favoriser de saines interactions.
8 – L’autodétermination en classe de déficience intellectuelle
En collaboration avec le département de psychoéducation de l’UQTR, plusieurs enseignants en déficience intellectuelle de la CSDA assisteront, d’une part, à une formation sur l’autodétermination donnée par Martin Caouette. D’autre part, l’école des Pionniers, en collaboration avec M. Caouette et des parents, souhaite monter une trousse pour développer l’autodétermination chez les enfants atteints de déficience intellectuelle.
Des résultats à venir
Les recherches effectuées à l’école des Pionniers n’en sont qu’à leurs débuts. Les deux premières années ont servi à établir les contacts entre les chercheurs et les enseignants et débuter quelques initiatives. C’est donc cette année, à l’an trois de l’école primaire universitaire, que se sont mis en branle la majorité des projets, et c’est seulement dans quelques années encore que nous pourrons être témoins des retombées de toutes ces initiatives. Il est certain que des résultats positifs pourraient éventuellement avoir un impact sur la formation initiale des enseignants.
Pour Isabelle Jean, l’école universitaire qu’elle dirige repose sur un partage de leadership entre elle et tous les membres de son personnel. « Quand les enseignants se sentent entendus, on peut déplacer des montagnes. Tout le monde est impliqué dans au moins un projet et tous sont fiers de partager ce qu’ils vivent. Ils sentent que ça fonctionne, je pense qu’ils n’enseigneront plus jamais de la même manière ensuite », souligne celle qui espère que son milieu en inspirera d’autres à se lancer dans l’aventure de l’école universitaire.
Pour accéder au site Web de l’école des Pionniers, c’est ici.