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Quand la pyramide du modèle RAI se retrouve la tête en bas

Marie-Ève Gagnon, chargée de projet pour le déploiement du Plan d'action numérique, présente l'expérience de son équipe dans le développement de la compétence numérique des enseignants. Celui-ci s'inspire du modèle réponse à l'intervention (RAI).

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Le modèle réponse à l’intervention (RAI) est une approche destinée à contrer le phénomène de l’intervention tardive auprès des élèves en difficulté, comme le rapporte le dossier thématique du RIRE.

Par Marie-Ève Gagnon
Directrice – chargée de projet du déploiement du PAN
Commission scolaire des Navigateurs

Court résumé du modèle RAI

Cette approche est utilisée depuis plusieurs années déjà et elle est basée sur diverses composantes telles l’enseignement efficace, l’intervention précoce, le dépistage et le monitorage, l’intensification de l’intervention et la résolution de problèmes. 

Que ce soit sur le plan des apprentissages ou des comportements, la pyramide qui illustre ce modèle vise à décrire les stratégies, moyens et interventions qui répondent le mieux aux besoins des élèves et favorisent leur réussite. 

  • Le niveau 1, la base de la pyramide, veut répondre à environ 80% des besoins. Il s’agit de mesures universelles à mettre en place pour assurer la progression de chaque élève.
  • Le niveau 2, la partie centrale, souhaite offrir un enseignement ciblé en fonction des besoins plus spécifiques non répondus par les mesures universelles mises en place au préalable. Environ 15% des élèves éprouvent ce type de besoin.
  • Le niveau 3, le sommet de la pyramide, vise à mettre en place des mesures dirigées et intensives, adaptées aux besoins persistants d’environ 5% des élèves.

En bref, cette approche sous-entend que pour tous les élèves, on part de la base de la pyramide, de la mise en place de méthodes universelles pour favoriser la réussite, et que, si l’élève ne progresse pas ou peu, on monte vers le sommet, en planifiant des mesures spécifiques et adaptées.

Le modèle RAI et le développement de la compétence numérique des enseignants

Comme chargée de projet du déploiement du Plan d’action numérique en éducation, deux cadres théoriques m’ont principalement guidée pour penser l’accompagnement du projet exploratoire auprès des enseignants. 

  • D’abord, le Cadre de cohérence proposé par Fullan et Quinn qui présente les moteurs efficaces à mettre en action pour un changement efficace en éducation.
  • Ma deuxième référence a été d’emblée de tenter de me coller au modèle RAI. Par contre, si le cadre de cohérence a pu être transposé pratiquement tel quel, ce second référent a dû être exploré, testé, repensé et finalement renversé de 180 degrés. Je m’explique…

Le projet exploratoire mené auprès d’un réseau d’écoles primaires et secondaires (une école secondaire de 2e cycle et toutes les écoles primaires et secondaires qui partagent le même bassin de clientèle), au cours de l’année scolaire 2018-2019 a permis d’explorer les meilleures avenues pour accompagner les enseignants dans l’intégration du numérique à leur pédagogie. C’était avant l’arrivée du Cadre de référence de la compétence numérique. Donc, en plus de chercher à développer l’aisance à utiliser techniquement les différents outils, nous cherchions à dégager, mon équipe de conseillers pédagogiques et moi, les meilleures pistes d’intervention pour soutenir à la fois le développement de cette habileté technique tout en mettant ce savoir-faire au profit de la pratique pédagogique (valeur ajoutée). 

Nous voulions explorer des pistes d’intervention et nous avions en filigrane le modèle RAI. Notre objectif était de trouver les mesures les plus universelles possibles, celles qui allaient pouvoir aider le plus grand nombre d’enseignants à mettre le numérique au service de la réussite de leurs élèves.

Le constat, après la première année du projet, a été qu’agir en mesures universelles, dans un domaine où les écarts sont tellement énormes entre les individus, revient à donner un coup d’épée dans l’eau. Les réalités sont tellement différentes d’une école à l’autre et même entre les classes d’un même milieu qu’en offrant des formations trop larges, dans des locaux qui ne sont pas aménagés comme des classes, sans les élèves, il est difficile de modéliser de façon explicite les stratégies facilitantes. En contexte réel, dans l’école et même la classe, on s’approche beaucoup plus du quotidien de l’enseignant et la modélisation devient plus facile à reproduire.

Comme nous voulons que le numérique soit un vecteur de valeur ajoutée à l’enseignement quotidien, la stratégie pour la nouvelle année scolaire a été de « tourner la pyramide RAI la tête en bas » et d’accompagner d’abord les enseignants en mesures dirigées en fonction de leurs besoins individuels et ce, un objectif à la fois.

Tourner la pyramide RAI de 180 degrés!

Bien que de nouveaux outils technologiques apparaissent depuis plusieurs  années dans les écoles, ils se sont décuplés avec le lancement du Plan d’action numérique ministériel et surtout avec la mesure des combos numériques. Celle-ci a permis aux écoles de se munir d’outils variés pour la rentrée 2018. 

Pour dresser un portrait sommaire des enseignants des réseaux que nous accompagnons, on peut dire qu’on se retrouve avec une version inversée du modèle RAI que l’on connaît :

  • 80% des enseignants expriment le besoin d’être accompagnés pour développer leur aisance technique et intégrer les nouveaux outils à leur pédagogie;
  • 15% des enseignants ont un niveau de maîtrise technique assez développé, ont parfois besoin d’un peu de soutien, mais ont aussi besoin d’aide pour planifier l’intégration du numérique au service des apprentissages des élèves;
  • 5% des enseignants ont un niveau de maîtrise élevé au niveau technique ou sont à l’aise de s’autoformer. Ils ont besoin de recevoir des informations sur les nouveautés, les autoformations offertes ou parfois, pour des fonctionnalités plus avancées des outils.

Suite à ce constat, pour être des facilitateurs dans l’appropriation de ces équipements, il faut trouver une façon cohérente, bienveillante et adaptée d’accompagner chaque enseignant dans son développement professionnel en lien avec sa compétence numérique. Pour ce, il faut commencer par personnaliser notre approche, tout en respectant des balises communes à tous.

Le portfolio de valorisation professionnelle (à paraître dans le numéro hiver 2020 de l’École branchée) que nous avons implanté est un bon outil pour garder le cap sur les objectifs personnels poursuivis. 

Les balises communes que toutes les écoles du projet exploratoires appliquent pour l’année scolaire 2019-2020 : 

  • le Cadre de cohérence;
  • le Plan d’action numérique ministériel et plus particulièrement les 3 orientations;
  • le Cadre de référence de la compétence numérique;
  • le Canevas du plan d’action numérique école qui respecte les 3 orientations du MÉES;
  • le fait que le numérique doit venir soutenir ce qui se fait déjà de très bien dans la pratique pédagogique de chaque enseignant.

Comment arrive-t-on à appliquer la pyramide inversée?

Les balises ci-haut mentionnées doivent d’abord être présentées aux équipes accompagnées et on doit constamment s’y référer. Pour notre part, cela se fait une fois par cycle, lors des rencontres de communauté de pratique (CoP) pour lesquelles deux enseignants leaders de chaque école accompagnée sont libérés. Ils développent alors avec l’équipe de conseillers pédagogiques (Escouade Réseau-TIC) deux aspects liés à leur rôle : le développement de leur leadership et les différentes dimensions de leur compétence numérique. Ils deviennent nos alliés (ou tentacules) dans leur école pour soutenir leurs collègues. La charte de l’ananas utilisée dans plusieurs des écoles permet aussi de partager l’expertise du personnel à l’interne.

Il faut prévoir aller visiter chaque école de façon fréquente en offrant des modalités d’accompagnement souples aux enseignants. Une visite par deux semaines est prévue par école. Nous avons choisi de mettre de côté les formations frontales traditionnelles pour offrir davantage de soutien en situation signifiante (dans l’école ou même en classe) et ainsi, favoriser le réinvestissement. C’est d’ailleurs ainsi que la compétence se développe.

Des clés de succès d’une telle stratégie sont essentielles. D’abord il faut établir des canaux de communication efficaces et faciliter la collaboration (collecte des besoins, type d’accompagnement souhaité, organisation physique et matérielle, etc.). De plus, les conseillers pédagogiques (CP) doivent eux-mêmes changer leur posture et faire preuve d’agilité, de flexibilité et être en mode résolution de problèmes. Le nouveau Référentiel de l’agir compétent en conseillance pédagogique a été une bonne ressource pour définir le rôle des CP dans ce projet.

Bien souvent, un accompagnement va débuter par une partie technique, l’enseignant veut savoir comment utiliser le nouvel outil. Ensuite, une discussion suivra pour préciser l’intention pédagogique, faire un lien avec la progression des apprentissages et  les notions disciplinaires au programme. Tout ça demande une bonne part de personnalisation et de modélisation. Idéalement, on rencontre quelques enseignants d’une même école ensemble (par degré, cycle, intérêt, avec le leader. etc.) et ce, afin qu’ensuite ils puissent s’entraider. 

On peut croire que ces accompagnements individualisés ou en sous-groupes ne sont pas rentables, puisqu’on ne voit pas une grande masse de gens en même temps. Nous prétendons le contraire.

En partant des contextes réels et des besoins exprimés, l’accompagnement est beaucoup plus significatif, car il s’applique directement à la planification ou même au déroulement d’une activité de classe. Avec la récurrence de la pratique, les gens auront développé leur aisance à intégrer le numérique à leur quotidien, et ainsi, la proportion de 80% d’enseignants ayant besoin de soutien technique tendra à diminuer. 

Au final, en adoptant cette stratégie, en renversant la pyramide et en commençant par offrir des accompagnements sous forme de mesures dirigées en fonctions des besoins et réalités des enseignants, l’intégration des nouveaux outils se fait de façon beaucoup plus harmonieuse. Alors que les formations très générales, de type mesures universelles du niveau 1 de la pyramide traditionnelle, sont rarement réinvesties, car trop loin de la réalité de chacun, le « sur mesure » permet d’inclure, dans la pratique existante, l’utilisation de ressources numériques au service de l’enseignement et de l’apprentissage. 

Le niveau 3 en numérique nous permet plus facilement de soutenir les enseignants afin de créer une véritable valeur ajoutée!

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